Une fabrique à souvenirs
Ses larges bras de sable tendus vers l'océan ont façonné la personnalité de Saint-Gilles- Croix-de-Vie dont le développement balnéaire remonte à la fin du XIXe siècle. On en retrouve des témoignages, par exemple, dans une édition des guides Joanne (publiés par Louis Hachette dans le cadre de la Bibliothèque des chemins de fer). En 1899, on y lisait la promotion de l'hydrothérapie et des bains chauds à la villa Notre-Dame ("d'eaux mères de marais salants et médicamenteux").
Aussi, dès le début du XXe siècle, "Saint-Gilles-sur-Vie" et "Croix-de-Vie" étaient désignées "stations de bains de mer". Sortant de la gare, "il fallait traverser à niveau la voie ferrée et s'élever vers la falaise par une route bordée de chalets pour gagner les plages de Croix-de- Vie, criques sableuses entre les roches (très belles vues sur le port, l'embouchure de la Vie et la station balnéaire de Saint-Gilles)". On pouvait également gagner la plage de Saint-Gilles établie sur les dunes de la Garenne "qui forment bourrelet entre le petit fleuve côtier et l'océan". On fait allusion à un "certain nombre" de chalets (100 à 500 francs par mois, meublés). La villa Notre-Dame, "family hotel", était tenue par les sœurs de Saint-Charles d'Angers. Sur une partie réservée de la plage se trouvaient les cabines de l'établissement.
Au fil des années, plusieurs belles villas ont pris ancrage sur les promontoires rocheux de la corniche et dans les vastes espaces délimités par la dune. Elles retracent l'histoire d'un attachement des familles à un style de vie rendu accessible par le "chemin de fer" arrivé en 1882 : des grandes vacances d'iode et de soleil. La plage est devenue un lieu de vie et de retrouvailles. Les tentes et cabines, soigneusement entretenues, abritent les joies et les souvenirs d'une saison à l'autre, de génération en génération.
On vient se reposer, changer d'air, se délecter d'espace et de temps, comme se plaisait à le faire Charles Atamian, peintre, qui résidait les mois d'été dans la villa Les Esphédras.
Aujourd'hui, les tentes et cabines de plage, en bois ou en toile, refont leur apparition et il est même possible de les louer. Le bleu reste la couleur privilégiée, parfois délicatement souligné par des ruptures orange.
A Saint-Gilles-Croix-de-Vie, la plage fait l'objet d'attentions particulières. On utilise, par exemple, la force tractée du cheval pour procéder à son nettoyage : son intervention est moins perturbante pour l'environnement et permet une efficacité optimale. Cette année, des parasols seront proposés pour profiter des longues siestes au bord de la mer.
Les enfants des enfants perpétuent ainsi ce plaisir de savourer en famille les joies du bord de mer à Saint-Gilles- Croix-de-Vie, entre farniente, lecture, pratiques ludiques et sportives et pêche à pied. Des amours qui se font à ceux qui se défont, les souvenirs se livrent à l'océan et nourrissent les histoires à raconter et les préparatifs des prochaines vacances.
Du 5 au 20 septembre prochains, une exposition proposera, salle Marcel-Baudoin, de croiser les regards autour de cette "belle époque", celle de la mode des bains de mer. Peintures, photographies et éléments architecturaux y seront ponctués de rêves d'hier, d'aujourd'hui et de demain.
Texte : Jean-Michel Lucquet
Photos : A. Lamoureux
Editions Kairos
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