La calligraphie singulière d'Annick Gaston
Installée à la Chaume depuis 2003, Annick Gaston est peintre-graveur.
Elle a fait de ses silhouettes élancées en noir et blanc sa marque de fabrique.
Elle vient de cosigner un recueil de poèmes d'un auteur chinois et a exposé à Pékin l'hiver dernier à l'issue d'une résidence d'un mois.
Ses silhouettes monochromes sont sa signature. Des silhouettes d'hommes, de femmes et d'enfants. Souvent dans le mouvement, et très épurées, elles parlent d'exode, de solitude, de misère... Elles expriment, en quelques traits, la vitalité, la complicité mais aussi le poids de la vie. Sérénité, tristesse, mélancolie, poésie affleurent dans chacune de ses gravures. Pas de paysage. Mais la mer n'est jamais très loin.
Annick Gaston est peintre-graveur. Cheveux blancs coupés courts en bataille, l'oeil souvent rieur et toujours bienveillant, le bout des doigts rongé par l'acide, et un fume-cigarette vissé au coin des lèvres, elle se raconte volontiers autour d'une tasse de thé chinois. Elle a posé sa presse dans un atelier baigné de lumière, au milieu d'un jardin, rue du Tarif, à la Chaume, en 2003. Après trente-cinq ans à Paris, elle a choisi de revenir s'ancrer, avec son mari, près de l'océan qui a bercé les six premières années de sa vie, à L'Ile d'Yeu.
Chercheur en sociologie, elle s'installe à Paris à la fin des années soixante. Elle exerce un métier intellectuel qui ne l'épanouit pas. « J'avais besoin de travailler avec mes mains. » Après la naissance de ses filles, dans les années soixantedix, elle s'inscrit à des cours de peinture chez Gilles Duché à l'Université populaire de Marly-le-Roy. « Des cours atypiques, se souvient-elle. Duché cherchait avant tout à voir ce que l'on avait dans les tripes. Il m'a dit de continuer et de faire de la gravure. Et il a eu raison ! La technique de la gravure me désinhibe, me libère de l'angoisse de la page blanche. »
Alchimie
Elle se forme auprès du graveur Jean Attali, puis à l'atelier de la Main d'or, avant d'ouvrir en 1986 son propre atelier, rue de Vaugirard dans le VIe arrondissement. Depuis, elle dessine et grave tous les jours. « C'est vital ! », dit-elle. Elle travaille pour elle et pour d'autres peintres dont elle tait les noms. Elle expose en France et à l'étranger : à Paris (notamment à la galerie Peinture fraîche), Marseille, Toulouse, Nantes, mais aussi en Belgique, à New York et tout récemment à Pékin. Une expérience « fantastique ». Son travail avait été remarqué lors d'une première exposition en 2009 à la Plantation, une friche industrielle transformée en centre d'art (salles d'exposition, boutique d'art, théâtre). Le lieu est tenu par un ami français, Philippe Bouvet. « Son associé chinois m'a proposé d'illustrer le recueil de poèmes d'un auteur chinois, A De. Mon travail noir et blanc et un peu calligraphique parle aux Chinois. »
En décembre dernier, elle s'envole donc avec son matériel de gravure pour Pékin. Pendant un mois, installée au sein même de la galerie, elle travaille en compagnie de l'auteur avec l'aide d'une interprète. Et grave sur une presse que le centre a louée pour elle. L'alchimie fonctionne. Résultat : une belle exposition à la Plantation, un livre de poèmes et de gravures originales - trente exemplaires en chinois et trente traduits en français - et des souvenirs merveilleux. « J'ai été accueillie dans des conditions exceptionnelles, c'est vrai, dans un milieu privilégié. J'ai vécu absolument comme eux et rencontré des gens accueillants et curieux des autres ! »
De retour dans son atelier chaumois, Annick a repris sa production quotidienne, au gré de son humeur. Rien n'est jamais réfléchi. Ses silhouettes prennent forme de façon presque instinctive, par série, avec l'énergie et la légèreté procurées par son inséparable pinceau chinois. Des silhouettes comme des points de départ d'histoires qu'il reste à écrire.
Editions Kairos
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