L'édition de tous les records !
"Mon petit François, tu nous as « spontés ». On est les bras ballants... Ce que tu as fait est impressionnant. (...) Chapeau bas ! J'en suis baba !" Le 27 janvier, devant sa caméra à bord de SynerCiel au large des îles du Cap-Vert, Jean Le Cam rend hommage, avec la gouaille qu'on lui connaît, à François Gabart qui vient quelques minutes plus tôt de franchir la ligne d'arrivée du Vendée Globe au large des Sables d'Olonne. Les félicitations d'un tonton flingueur, 54 ans, visage buriné et tignasse sombre en bataille, au benjamin de la course, 29 ans, gueule d'ange et blondeur enfantine.
En remportant l'épreuve en 78 jours, 2 heures et 16 minutes, François Gabart vient de réaliser un véritable exploit. Plus jeune vainqueur de la course - il dame le pion à Alain Gautier, lauréat à 30 ans en 1993 -, il devient également le premier à boucler un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance en monocoque en moins de 80 jours. Améliorant de 6 jours et 23 minutes le précédent chrono détenu depuis le 1er février 2009 par son "maître" Michel Desjoyeaux (84 jours, 3 heures, 9 minutes et 8 secondes, à 14,02 nœuds de moyenne), il signe également le record du nombre de milles parcourus en 24 heures : 545 ! Il y a quatre ans à peine, il débutait tout juste sa carrière professionnelle en Figaro !
Derrière lui, trois petites heures, 17 minutes et 14 secondes plus tard, le plus petit écart de l'histoire du Vendée Globe entre les deux premiers, Armel Le Cléac'h n'a pas à rougir malgré la déception. Il vient de boucler une course tout aussi remarquable.
Lot de galères
Devant la foule, à peine posé pied à terre, les deux marins, qui ont mené l'épreuve de bout en bout, affichent une fraîcheur étonnante, le pas assuré et le visage plein - François Gabart avouera même avoir gagné quelques grammes. Même si l'un comme l'autre confieront n'avoir jamais connu une seconde de pause depuis le départ le 10 novembre 2012... jusqu'aux dernières heures éprouvantes dans le golfe de Gascogne, dans 40 nœuds de vent, au milieu des cargos et des chalutiers.
Malgré la facilité (apparente) avec laquelle ils semblent avoir mené leur circumnavigation, ils avoueront avoir dû lutter chaque jour, et ce dès les premières heures, pour faire face aux problèmes techniques. "Le Vendée Globe, c'est assez simple : tu pars, tu prends des gros coups de vent dans lesquels tu ne peux rien faire sur le moment, ensuite tu répares ce qui a cassé, et voilà. C'est ça tous les jours. En fait, quand il y a du vent, c'est presque les moments où tu peux le plus te reposer. Et quand le vent mollit, c'est là que c'est le plus dur", expliquait François Gabart, en toute simplicité, devant une nuée de micros et de caméras.
Derrière eux, les autres skippers n'ont pas démérité, confrontés eux aussi à leur lot de galères. Le Britannique Alex Thomson franchira la ligne trois jours plus tard en troisième position, signant une magnifique performance sur un voilier de la génération précédente. Soufflant le podium à Jean-Pierre Dick, qui terminera sa course au prix d'un incroyable numéro d'équilibriste en parcourant 2 650 milles sans quille, perdue à 600 milles au sud des Açores. Le 6 février, après une remontée de l'Atlantique chahutée, Jean Le Cam embouquera à son tour le chenal des Sables-d'Olonne talonné quelques heures après par Mike Golding. Dominique Wavre coupera la ligne deux jours plus tard suivi le lendemain d'Arnaud Boissières et le surlendemain de Bertrand de Broc. Tanguy De Lamotte (Initiatives-Cœur) et enfin Alessandro Di Benedetto fermeront la marche avec moins d'un mois d'écart entre le premier et le dernier, le plus faible écart depuis vingt- quatre ans.
Voilà ! Comme dirait pour conclure le roi Jean... Bravo à eux !
Des marins heureux, un public encore plus nombreux...
Cette septième édition a donc été celle de tous les records. A commencer par le temps affiché. "78 jours, 2 heures et 16 minutes, c'est impressionnant ! commentait Denis Horeau, le directeur de course au lendemain des arrivées. Vient ensuite le nombre de bateaux à l'arrivée. Nous sommes à plus de 50 %, ce qui ne s'était pas passé depuis 2004. En 2008, 70 % des concurrents n'avaient pas franchi la ligne d'arrivée. (...) Je retiens également de cette édition que nous n'avons eu affaire qu'à des marins heureux, sauf évidemment ceux qui ont dû abandonner." En effet, on se souvient des premières éditions où certains concurrents ne cachaient pas leurs souffrances et leur solitude. Cette année, tous ont communiqué positif ! Le sourire résolument accroché aux lèvres et la bonne humeur au rendez-vous.
Les conditions météorologiques y ont certainement contribué. Si le golfe de Gascogne n'a pas failli à sa réputation, l'océan Indien, habituellement peu amical, lui, s'est montré relativement clément. "Aucun concurrent n'a jamais été en situation de survie", comme par le passé, constatait encore Denis Horeau. Il faut ajouter à cela un degré de préparation des hommes et des machines particulièrement élevé, dans la plupart des équipes, sans compter de solides expériences y compris chez les bizuts.
Au-delà de l'aventure humaine toujours présente, véritable ADN de l'épreuve, la course a donc pris cette fois une dimension sportive encore plus affirmée, avec l'incroyable duel, digne d'un véritable match race, auquel se sont livrés François Gabart et Armel Le Cléac'h en tête de la compétition. Leurs poursuivants, régatiers affûtés, n'ont pas plus abdiqué, à l'image de Jean-Pierre Dick, Alex Thomson ou encore Bernard Stamm, et de ceux que l'on a appelé les Tontons flingueurs, Jean Le Cam en tête (Dominique Wavre, Bertrand de Broc, Javier Sansó... ).
"Au-delà de l'exploit sportif de François Gabart, mais également de chacun des skippers qui font tous une course extraordinaire, c'est l'incroyable dimension médiatique et populaire qu'a prise le Vendée Globe cette année que je tiens à souligner, observait pour sa part Bruno Retailleau, le président de la SAEM Vendée Globe. Un million de visiteurs sur le village du Vendée Globe pendant les trois semaines précédant le départ, 300 000 personnes au départ, 150 000 le jour des deux premières arrivées, plus de 175 000 entre le 25 janvier et le 10 février sur le village d'arrivée, soit plus d'un 1,8 million au total, et des retombées médiatiques impressionnantes (lire par ailleurs)... "Les chiffres parlent d'eux-mêmes (lire par ailleurs) et portent désormais le Vendée Globe dans le top 5 des plus grands événements sportifs de la planète sport. Pour le monde de la voile, on ne peut rêver meilleur ambassadeur."
... et des concurrents malchanceux
Petit hommage aux neuf marins malheureux qui ont dû jeter l'éponge, dont sept dans les dix premiers jours de course. Trois ont été contraints à l'abandon pour collision avec un chalutier ou un OFNI, un pour démâtage, et trois pour des problèmes de quille auxquels il faut ajouter Jean-Pierre Dick qui a bouclé les 2 650 derniers milles sans quille ! De quoi poser question...
Une mention spéciale pour Bernard Stamm qui a joué de malchance. Disqualifié par le jury pour assistance, le marin suisse a abandonné après avoir dû se ravitailler en fuel après la perte de ses hydrogénérateurs suite à une collision avec un OFNI.
10 novembre : Marc Guillemot (Safran), perte de la quille.
12 novembre : Kito de Pavant (Groupe Bel), collision avec un chalutier.
16 novembre : Samantha Davies (Savéol), démâtage.
16 novembre : Louis Burton (Bureau Vallée), collision avec un chalutier.
19 novembre : Jérémie Beyou (Maître CoQ), avarie du vérin de quille.
21 novembre : Zbigniew Gutkowski (Energa), problème de pilote automatique.
25 novembre : Vincent Riou (PRB), collision avec un OFNI.
9 janvier : Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat).
3 février : Javier Sansó (ACCIONA 100% EcoPowered), chavirage au large des Açores après la perte de sa quille.
Des retombées médiatiques en augmentation de 50%
Cette édition restera aussi marquée par l'énorme succès médiatique. Jugez plutôt ! Selon l'organisation, 14 000 articles de presse ont été comptabilisés, 12 500 sujets radio et 31 000 reportages télé (290 heures). Records battus également du côté du site Internet (www.vendeeglobe.fr) avec 53 millions de visites, 286 millions de pages lues, 9,3 visiteurs uniques, 30 millions de vidéos vues, et 4,2 millions de connexions pour les différents directs. Des scores auxquels il faut ajouter 77 000 fans sur Facebook et 19 000 followers sur Twitter.
Selon KantarSport, "l'épreuve a enregistré 6 000 UBM (Unité de bruit médiatique) entre novembre 2012 et février 2013, ce qui signifie que chaque Français a été potentiellement touché par 60 sujets médiatiques ayant trait au Vendée Globe. C'est plus que le Tour de France (4 2000) et Roland-Garros (2 5000) ! Et la valorisation brute de l'équivalent publicitaire de toutes ces retombées s'élève à ce jour (N.D.L.R. : 23 avril 2013) à 180 millions d'euros pour le seul territoire français."
Les chiffres de la diffusion internationale sont également en très forte hausse avec, toujours selon l'organisation, "65 diffuseurs et 4 agences news qui ont émis les images du Vendée Globe dans plus de 190 pays, soit 2,3 milliards de foyers atteints ! Au total, avec l'étranger, le Vendée Globe aura généré 738 heures de télévision".
Texte : Séverine Le Bourhis